L’aube de la multipolarité



Par Omar Benderra (Économiste, gauche, Algérie) 

Publié le 25 février 2024 par Assafir Arabi

 

La croissance extraordinairement rapide de la Chine et, dans une mesure moindre mais également impressionnante, de l’Inde, modifie considérablement l’ordre du monde installé depuis plusieurs siècles. Le centre de gravité économique s’est effectivement déplacé vers l’est, ce qui a manifestement des effets politico-stratégiques considérables pour toute l’humanité. L’élargissement du Brics et la volonté publiquement exprimée de nombreux pays de rejoindre cette association, dont l’objectif est de proposer une alternative au système financier fondé sur le dollar, est un indicateur fiable de la montée de l’influence des géants démographiques d’Asie. Cette dynamique contraste nettement avec la perception d’un recul global de l’Occident qui semble arrivé au terme d’une longue phase historique de domination exclusive de la planète.


Reagonomics, la matrice néolibérale

Au-delà même des transformations enregistrées dans la division internationale du travail avec l’émergence de la Chine en tant que première puissance économique de la planète, la situation actuelle de l’économie occidentale est en grande partie le fruit d’un processus de rupture progressive de la sphère financière avec celle de l’économie réelle, celle de la production des biens et services. C’est une évolution majeure qui a été amorcée au début des années 1970 lorsque le Président Nixon a mis un terme à la convertibilité en or de la monnaie américaine, monnaie de facturation des transactions internationales. Dès lors, les autorités américaines libérées de cette contrainte fondamentale ont pu produire des dollars sans aucune limitation...

La phase inaugurale du découplage entre production et finance est à l’origine des transformations structurelles du capitalisme par le démantèlement graduel des dispositifs réglementaires encadrant les marchés financiers et boursiers aux États-Unis et en Europe. Ces mesures appliquées au début des années 1980 du siècle dernier au motif de la relance d’une croissance en berne, découlent directement de la pensée économique ultralibérale construite notamment sur la réduction drastique des budgets sociaux et des dépenses publiques[1] ainsi que sur l’ouverture la plus large possible des marchés et l’extension des avantages fiscaux en direction des catégories sociales les plus aisées.

Cette doctrine dont les théoriciens les plus célèbres sont Friedrich Hayek et Ludwig Von Mises[2] a constitué l’alpha et l’oméga des « Reagonomics » du nom de l’ancien président des États-Unis[3], dont Margaret Thatcher a été le très médiatique relais européen. La politique de rupture avec le Keynésianisme qui avait dominé l’après-guerre a libéré les marchés d’un grand nombre de contraintes dans le but affiché de stimuler l’activité, de multiplier les chaines de valeurs, de réduire le chômage, et in fine d’améliorer la performance globale de l’économie. Le Chili de la dictature militaire issue du coup d’état de 1973 a été le laboratoire de cette orientation ultra-libérale prônée et mise en œuvre par des économistes de l’École de Chicago sous l’égide de Milton Friedman.

La financiarisation et les délocalisations

La réorientation ultralibérale du capitalisme occidental a coïncidé avec le rétablissement des relations diplomatiques entre Pékin et Washington en 1978, sous la présidence de Jimmy Carter, et les réformes économiques initiées la même année par le Parti Communiste Chinois sous la direction de Deng Xiaoping. Les investisseurs occidentaux s’engouffrent alors dans l’ouverture pékinoise pour délocaliser massivement les secteurs industriels à forte intensité de main d’œuvre et bénéficier des très faibles salaires de travailleurs chinois très nombreux, formés et performants. Et, ce n’est pas le moindre avantage, ces délocalisations sont également favorisées par la stabilité du pays : en Chine « l’ordre » règne et les grèves n’existent pas. Entre 1978 et 2014, sous l’effet des réformes, la croissance économique du pays a été - performance sans précédent - en moyenne de 9,5% annuellement. La Chine est passée en quelques années « d’Atelier du Monde » au statut de première économie globale à l’avant-garde scientifique et technologique

A la croisée des millénaires, la délocalisation des activités de production des pays développés du Nord vers les économies émergentes, essentiellement asiatiques, s’effectue dans le contexte d’une financiarisation accentuée des économies occidentales. La City de Londres et Wall Street sont les centres névralgiques d’économies qui se désindustrialisent au profit du secteur tertiaire et des intermédiations financières de tous ordres.

La nouvelle division du travail est construite sur le maintien des industries « sensibles » aux États-Unis et dans l’Union Européenne. Dans ce dispositif, Israël a été érigé en centre mondial principal de développement de systèmes d’armes avancés et d’espionnage.

L’extinction du communisme bureaucratique avec la disparition de l’URSS en 1990 réduit comme une peau de chagrin le périmètre des économies étatisées. Les oligarchies occidentales, débarrassées de la menace d’une remise en question de leur emprise sur les États, ont les mains libres pour imposer des réformes brutales destinées à débarrasser le marché de règles encadrant les transactions, à alléger la charge fiscale sur leurs revenus et à réduire autant que possible les dépenses publiques. Le libre marché s’impose comme la doxa exclusive des pays économiquement avancés. Margaret Thatcher l’avait lapidairement proclamé : « There Is No Alternative », la formule réduite à son acronyme « TINA », a depuis fait florès...

Relayée par le FMI et la Banque Mondiale, la doxa libérale unifie dans la brutalité et ses injustices l’économie mondiale. Le « consensus de Washington »[4] apparu à la fin des années 1980 est la grille programmatique de la conduite « responsable » de toute politique économique. On a pu mesurer l’effet social absolument désastreux, misère et famines, extension des maladies et de l’analphabétisme, de l’application standardisée de ces principes dans de nombreux États en faillite, contraints de se conformer aux très libérales « conditionnalités » du FMI.

A la croisée des millénaires, la délocalisation des activités de production des pays développés du nord vers les économies émergentes, essentiellement asiatiques, s’effectue donc dans le contexte d’une financiarisation accentuée des économies occidentales. La City de Londres et Wall Street sont les centres névralgiques d’économies qui se désindustrialisent au profit du secteur tertiaire et des intermédiations financières de tous ordres. C’est dans le courant des années 1990 que se multiplient les Hedge-Funds[5], fonds de placement spéculatifs et quasi-banques, dont les plus connus sont domiciliées dans des paradis fiscaux, qui jouent un rôle éminent dans le marché des produits dérivés[6] en collectant et recyclant des capitaux de toutes origines dans la nouvelle économie déréglementée[7].

Les stratèges occidentaux estiment que le maintien d’une base productive hautement capitalistique à l’avant-garde de l’innovation suffira à maintenir leur suprématie industrielle. Les entreprises technologiques de la Silicon Valley en Californie constituant la référence idéale d’un modèle largement construit autour des secteurs de l’armement et de la sécurité. La nouvelle division du travail est construite sur le maintien des industries « sensibles » aux États-Unis et dans l’Union Européenne. Dans ce dispositif, Israël a été érigé en centre mondial principal de développement de systèmes d’armes avancés et d’espionnage.

Le recul démocratique de l’Occident

Aux États-Unis et en Europe, l’avantage politique non négligeable des délocalisations massives et de la réorientation vers la financiarisation pour la classe dirigeante occidentale réside dans l’érosion des capacités de négociation de catégories sociales autrefois insérées dans le procès de production classique du capitalisme et créatrices de richesses. La classe ouvrière blanche est en effet la première victime de cette réorientation stratégique. Les partis politiques opposés à l’exploitation et les syndicats voient leur poids électoral et leurs capacités de mobilisation se contracter significativement.

La réorientation vers la financiarisation pour la classe dirigeante occidentale réside dans l’érosion des capacités de négociation de catégories sociales autrefois insérées dans le procès de production classique du capitalisme et créatrices de richesses. La classe ouvrière est en effet la première victime de cette réorientation stratégique.

La concentration de richesses, l’accroissement des inégalités et les fractures sociales générés par la gouvernance néolibérale sont masqués par la montée, dans l’ensemble de l’arc occidental, des populismes identitaires et xénophobes.

En affaiblissant ces intermédiations et en étouffant les contestations, les oligarchies redéfinissent le champ politique et installent des hommes liges, d’authentiques fondés de pouvoir, à la tête des Etats chargés prioritairement de démanteler les structures de protection sociale qui entravent selon la doxa néolibérale le libre fonctionnement du marché. Cette évolution est parfaitement incarnée par le premier ministre Sunak au Royaume-Uni et le président Macron en France. La concentration de richesses, l’accroissement des inégalités et les fractures sociales générés par la gouvernance néolibérale sont masqués par la montée, dans l’ensemble de l’arc occidental, des populismes identitaires et xénophobes. Dans une surenchère démagogique permanente, ces courants ouvertement soutenus par les oligarchies locales[8], désignent aux nouvelles catégories précarisées un ennemi, l’étranger, les immigrés, les musulmans, facilement identifiable à mille lieux des responsables réels des difficultés croissantes d’existence dans des régions ou la prospérité était encore il y a peu un avenir envisageable pour le plus grand nombre.

Sans opposition réelle, l’orientation financière de l’économie promue par les pouvoirs politiques occidentaux et mise en œuvre par les sociétés multinationales, en particulier les banques et les autres organismes financiers de la Triade[9], s’approfondit et se diversifie au rythme du développement des échanges et l’interconnexion de nouveaux marchés. Mais l’orientation spéculative du capitalisme occidental connait une impulsion extraordinaire avec la généralisation de l’internet au cours de la dernière décennie du vingtième siècle.

Internet vecteur de la globalisation financière

Les technologies de l’information permettent un bond en avant gigantesque des activités de marché en permettant, outre l’instantanéité des transactions et l’annulation des contraintes de distances, des montages financiers inédits très rémunérateurs mais risqués et l’ouverture à des myriades d’opérateurs libres de toute supervision institutionnelle. Ces opérations financières d’un type jusqu’alors réservé aux professionnels très spécialisés des banques d’affaires, se « démocratisent » impliquant des acteurs de tous horizons. Ces transactions génèrent rapidement des marges très substantielles au profit d’actionnaires et d’investisseurs qui exercent une pression constante pour un retour sur investissement le plus élevé dans des délais les plus rapprochés, dans un contexte très concurrentiel alimentant ainsi une spirale spéculative en accélération incontrôlée.

L’orientation spéculative du capitalisme occidental connait une impulsion extraordinaire avec la généralisation de l’internet au cours de la dernière décennie du vingtième siècle.

Les technologies de l’information permettent un bond en avant gigantesque des activités de marché en permettant, outre l’instantanéité des transactions et l’annulation des contraintes de distances, des montages financiers inédits très rémunérateurs mais risqués et l’ouverture à des myriades d’opérateurs libres de toute supervision institutionnelle.

La déconnexion entre l’économie réelle et la sphère financière prend des proportions monumentales et s’accroit très rapidement entre 2000 et 2007, le krach boursier de 2001 provoqué par la bulle internet n’ayant qu’un effet mineur sur l’expansion inexorable de l’économie financière. Ainsi selon l’économiste spécialisé, François Morin « les transactions dans l’économie dite réelle, estimées par le PIB mondial, auraient représenté en 2007 seulement 1,6 % de l’ensemble des transactions (financières et réelles), soit 64 fois moins »[10].

La crise financière de 2008 a montré la nature et l’ampleur des périls nés de la dérive spéculative incontrôlée de l’économie globale. La catastrophe systémique qui menaçait à la suite de la faillite de la Banque Lehman Brothers à New-York était difficilement jugulée par l’intervention massive et coordonnée des banques centrales qui ont injectés des dizaines (des centaines ?) de milliards de dollars dans le secteur bancaire. Les perspectives, aussi inquiétantes que bien réelles, d’une succession de banqueroutes ont été rapidement identifiées, la réaction rapide des autorités monétaires a prévenu un effondrement général de la confiance et l’asséchement catastrophique du crédit interbancaire. Les moyens de résorption de la crise de 2008 ont permis une sortie de crise sans trop de dégâts, mais l’origine du mal n’a pas été traitée. Le volume des transactions purement découplées des activités de production et d’échange est toujours disproportionné, représentant plusieurs milliers de fois les transactions induites par l’économie de production de biens et services.

Il est révélateur d’observer que le contrôle strict des activités de marché financier a permis à la Chine d’éviter totalement cette crise et « l’importation » de ses répercussions.

La face cachée de la financiarisation : blanchiment et recyclage

Les autorités monétaires occidentales, déjà sensibilisées à la nécessité de la surveillance des flux financiers face au « terrorisme international », ont rapidement mis en œuvre de concert des moyens opérationnels de supervision et d’encadrement des activités bancaires pour prévenir autant que possible la réédition de telles dérives. Mais il est clair que cette volonté de contrôler la légitimité technique et juridique de l’activité bancaire et d’assurer la permanence de sa solvabilité à travers des processus déclaratifs est limitée par le fait que les transactions financières internationales ne sont pas l’apanage des seules banques. Des sociétés financières ou de courtage, des gestionnaires d’actifs et même des sociétés commerciales effectuent également des opérations transfrontalières dont l’opacité ne relève pas seulement du secret des affaires…

Le flux massif de transactions sans lien avec des échanges ou des investissements offre un paravent efficace aux mouvements de capitaux illicites qui ont besoin d’être blanchis pour être réinjectés dans les circuits officiels. Les montages financiers ad-hoc et les paradis fiscaux, officiellement honnis, sont donc nécessaires au fonctionnement de l’économie libérale globalisée. Les autorités de régulation qui ne l’ignorent pas, déploient une approche sélective afin de maintenir la fluidité des transactions. La financiarisation de l’économie favorise incontestablement les activités mafieuses et les recyclages illicites.

« les transactions dans l’économie dite réelle, estimées par le PIB mondial, auraient représenté en 2007 seulement 1,6 % de l’ensemble des transactions (financières et réelles), soit 64 fois moins ».

Relayée par le FMI et la Banque Mondiale, la doxa libérale unifie dans la brutalité et ses injustices l’économie mondiale. Le « consensus de Washington » apparu à la fin des années 1980 est la grille programmatique de la conduite « responsable » de toute politique économique. L’effet social sur les États en faillite a été absolument désastreux.

La volonté proclamée de coordonner la surveillance des flux financiers internationaux manifestées par la création en 1987 du GAFI[11] par le G7 se heurte en effet à des contingences politiques peu soucieuses de transparence. Les paradis fiscaux et les centres de blanchiment de capitaux issus de la fraude fiscale, de la corruption et d’autres activités criminelles sont tolérés et parfois même discrètement protégés. Si des paradis fiscaux exotiques, au Panama ou dans les Caraïbes, sont parfois à la une des journaux ce n’est pas vraiment le cas pour tous. Le Liechtenstein, Luxembourg, Monaco et les iles anglo-normandes en Europe font certes l’objet d’une surveillance mais continuent néanmoins d’abriter des actifs financiers douteux, des capitaux issus d’activités illégales et bien entendu, les commissions et rétro commissions perçues à l’occasion de contrats internationaux. Il est significatif d’observer que ces places ne font pas partie de la liste[12] des pays sous surveillance du GAFI.

A la faveur de l’émergence de pôles de puissance et de la multiplication des besoins de services financiers, de nouveaux centres d’intermédiations apparaissent et acquièrent en quelques années un statut de place de « standing » à l’instar de Dubaï. En dépit d’articles de presse ponctuels sur la fonction de lessiveuse offshore de capitaux furtifs, les Émirats Arabes Unis (EAU) qui figurent depuis 2022 sur la liste « grise » des pays sous surveillance du GAFI semblent à l’abri de répercussions effectives. Il est difficile de comprendre le rôle politique et les alliances des Émirats Arabes Unis sans prendre en compte cette dimension centrale de centre de recyclage global[13] et de financements d’activités suspectes idéalement situé entre l’Europe, l’Asie et l’Afrique. De fait, le poids politique de ce pays, bien au-delà même du Golfe, est objectivement disproportionné au regard de la taille de sa population et de ses dimensions socio-économiques. Les intenses activités de déstabilisation en Afrique du nord et de l’est ainsi qu’au Sahel menées par ce minuscule État surarmé, son alignement sur Israël et son soutien aux positions atlantistes constituent certainement un élément de la contrepartie politique de la grande mansuétude occidentale en matière de surveillance des activités financières. Il est d’ailleurs question de retirer les Émirats de cette fameuse liste grise sous la pression des États-Unis et de leurs alliés européens[14]. Le rôle de sas financier entre activités légitimes et opérations moins sourçables des EAU revêt bien un caractère stratégique.

Mutations

Le capitalisme occidental a muté. Changeant de mode de fonctionnement, il a changé son mode de direction. Les capitaines d’industries et les marchands intercontinentaux ont cédé le pas aux dirigeants des banques multinationales et aux grands spéculateurs financiers. Les plus puissantes holding financières, Vanguard, Blackrock et StateStreet[15], sans même mentionner les autres acteurs bancaires[16], contrôlent, directement ou indirectement, une partie considérable des principales sociétés cotées par les principales bourses mondiales, ce qui confère à leurs dirigeants et à leurs actionnaires, essentiellement inconnus du public, une capacité d’influence exceptionnelle sur les évolutions politiques en Occident. Une influence qui pour être imperceptible par l’opinion est autrement plus décisive que celle des milliardaires de la société du spectacle à la « Une » des médias mainstream.

Comme sa politique économique, la politique étrangère des États-Unis est orientée par des lobbies informels idéologiquement convergent autour d’intérêts - et d’ennemis – communs, organisés autour des conseils d’administration des méga-banques et des gigantesques gestionnaires d’actifs. Ce sont ces milieux agissants où se concentre la propriété du capital, qui, via leurs relais politiques et administratifs, leurs réseaux médiatiques et intellectuels, ont installé, depuis la présidence Reagan, le néo-conservatisme, sous diverses modulations, et son pendant socio-économique néolibéral, en tant que trame idéologique de l’establishment politique américain.

Même si beaucoup s’en défendent et prennent leurs distances, en particulier depuis la fin de la présidence de G.W Bush, le substrat néoconservateur imprègne profondément la classe politique américaine, Démocrates et Républicains confondus. La vision impérialiste du monde, fondée notamment sur le maintien de la suprématie stratégique des États Unis et la défense d’Israël, domine largement le sommet des appareils idéologiques d’État et marque la continuité de la politique étrangère.

Le flux massif de transactions sans lien avec des échanges ou des investissements offre un paravent efficace aux mouvements de capitaux illicites, blanchis pour être réinjectés dans les circuits officiels. Les montages financiers ad-hoc et les paradis fiscaux, officiellement honnis, sont donc nécessaires au fonctionnement de l’économie libérale globalisée. La financiarisation de l’économie favorise incontestablement les activités mafieuses.

En dépit d’articles de presse ponctuels sur la fonction de lessiveuse offshore de capitaux furtifs, les Emirats Arabes Unis (EAU) qui figurent depuis 2022 sur la liste « grise » des pays sous surveillance du GAFI semblent à l’abri de répercussions effectives.

Les deux ailes de l’aigle à tête blanche, symbole impérial étasunien, sont bien la guerre et les marchés financiers. Mais davantage encore que la puissance de leurs arsenaux - l’ultime avantage comparatif des Etats-Unis réside effectivement dans une capacité militaire inégalée de projection[17] et de destruction - le dollar est l’instrument structurel de la domination. Les embargos sont l’arme préférentielle de Washington contre ceux qui s’opposent à ses vues. Les pays et entreprises accusés de commercer avec l’Iran, la Russie, Cuba ou la Corée du Nord sont la cible de mesures asphyxiantes, comme le gel des avoirs en dollars et l’obligation de payer des amendes colossales ou l’exclusion pure et simple des mécanismes de règlements internationaux. Ces dispositions qui confèrent aux décisions unilatérales des Etats-Unis un statut universel et extraterritorial exorbitant sont d’autant plus aisées à mettre en œuvre que l’administration de ce pays exerce un contrôle effectif sur l’ensemble des règlements internationaux via le réseau SWIFT[18]. L’ensemble des données relatives aux transactions financières internationales sont en effet stockées sur des serveurs aux Pays-Bas et aux États-Unis…

 


  1. Sauf les dépenses militaires… 
  2. https://www.wikiberal.org/wiki/%C3%89cole_autrichienne 
  3. Ronald Reagan Président des Etats-Unis de 1981 à 1989. 
  4. Ce consensus tacite forme la base des Programmes d’Ajustement Structurel du FMI élaborés sur la base des dix recommandations de John Williamson (1989)
    • Discipline budgétaire stricte (Pas de déficits),
    • Réorientation de la dépense publique (priorité à l’efficacité financière)
    • Élargissement de l'assiette fiscale, réduction de l’impôt sur le revenu et les plus-values)
    • Stabilité monétaire (inflation faible, réduction des déficits, contrôle des réserves monétaires),
    • Adoption d'un taux de change unique et compétitif,
    • Libéralisation du commerce extérieur,
    • Élimination des barrières à l'investissement direct étranger,
    • Privatisation des entreprises publiques
    • Dérèglementation des marchés (Pas de protectionnisme ni de barrières à l’export)
    • Respect strict des droits de propriété (incluant la propriété intellectuelle) 
  5. Fonds d’investissements spéculatifs gérant des actifs et des placements selon des méthodes innovantes et des techniques de marché, produits dérivés, effet de levier, vente à découvert… impliquant une gestion performante de risques parfois très élevés. 
  6. https://www.privatebanking.societegenerale.com/fileadmin/user_upload/SGPB_2019/Fiches_p%C3%A9dagogiques_SGPB_FRA/Fiche_Produits_D%C3%A9riv%C3%A9s_VF.pdf
  7. https://www.agefi.fr/asset-management/actualites/les-20-hedge-funds-les-plus-performants-au-monde-ont-gagne-67-milliards-de-dollars-nets-en-2023 
  8. En France, l’activisme de quelques grands capitalistes, à l’instar de Vincent Bolloré à la tête d’un groupe médiatique orienté à l’extrême-droite, est de notoriété publique. 
  9. Cette appellation due à l’économiste Kenichi Ohmae en 1985 regroupe les trois zones économiques majeures de l’époque : Etats-Unis, Japon et Europe. 
  10. https://blogs.alternatives-economiques.fr/gadrey/2014/09/13/la-finance-pese-t-elle-100-fois-plus-que-l-economie-reelle-10-fois-plus-bien-moins 
  11. https://www.fatf-gafi.org/fr/the-fatf/who-we-are.html 
  12. https://www.douane.gouv.fr/actualites/actualisation-par-le-gafi-de-la-liste-des-pays-sur-liste-grise-et-noire 
  13. https://deontofi.com/dubai-paradis-blanchiment-pandora-papers/ 
  14. https://thecradle.co/articles/uae-seeks-removal-from-financial-gray-list-following-reforms 
  15. https://finance.yahoo.com/news/blackrock-state-street-vanguard-arguably-211002034.html?guccounter=1&guce_referrer=aHR0cHM6Ly93d3cuc3RhcnRwYWdlLmNvbS8&guce_referrer_sig=AQAAADTsnE8omAaHFayTnNPfgQI-bnifdc0Ch2TU0eL6Rt3Y1Y9zA51tRhkmXKkBiKzHJZuErXF94BrxgyEcc913_kzJcXKyQoa_PPmhu9vtC5KHltXM7LiI0LQ1xsNxykPwOZdRbHDNTkKOubadTemIS5miYk8E1zzw_VSmAryIAvZB
  16. https://www.pressenza.com/fr/2021/11/le-spectre-des-trois-grands-vanguard-blackrock-et-state-street-global-advisor/ 
  17. La capacité de projection américaine est construite sur une flotte de onze porte-avions et un réseau de centaines de bases militaires sur tous les continents. 
  18. https://e-finances.fr/tout-savoir-sur-le-protocole-swift/

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Publication originale Assafir Arabi

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