Les riches seront-ils toujours gagnants ?


 Par Gabrielle Lefèvre (Journaliste/gauche/Belgique)

Publié le 2 janvier 2025 par Entre les Lignes

 

L’enquête judiciaire introduite contre Didier Reynders, un de nos plus prestigieux ministre belge MR (des Finances et des Affaires étrangères) et commissaire européen (à la Justice), soulève le voile sur les nombreuses facilités de blanchiment d’argent et d’évasion fiscale dont jouissent les plus fortunés de nos concitoyens et cela quelle que soit la couleur politique des gouvernants.

La fin 2024 a été dure pour le libéral éjecté par son président de parti G.L Bouchez d’une carrière européenne juteuse et tranquille qu’ambitionnait Didier Reynders. La Loterie Nationale, était intriguée par de nombreux achats d’e-billets par l’homme politique et sa femme ex-magistrate à Liège. L’enquête sur le blanchiment d’argent a donc été lancée, elle porterait sur 200.000 euros en 4 ans. De plus, 800.000 euros auraient été blanchis d’une autre manière. Dès la fin de 2023, la Cellule de traitement des informations financières (CFI : la cellule anti-blanchiment du gouvernement), a reçu un rapport sur Didier Reynders de la part d’un des organismes tenus de signaler les transactions suspectes. Selon De Standaard, c’est une banque qui a signalé le cas.

Précisons que les enquêtes se poursuivent, que Didier Reynders est présumé innocent. Mais l’affaire sera difficilement étouffée, semble-t-il, alors que tant d’autres visant d’autres personnalités très riches de notre pays l’ont été et ce pendant des décennies.

Le guide du richard

Nul doute que Marco Van Hees, meilleur connaisseur de Didier Reynders à qui il a déjà consacré un livre « Didier Reynders. L’homme qui parle à l’oreille des riches », suit l’affaire avec beaucoup d’attention. Pour l’heure, il vient de publier un livre percutant : « Le guide du richard. Voyage au cœur du capitalisme belge ». Un voyage historique et géographique fort bien rendu, avec humour et précision, dans nos histoires belges les plus argentées, titrées, ennoblies et dissimulées jusqu’à ce que l’un ou l’autre scandale éclate.

Marco Van Hees a bénéficié de ses longues années de journaliste et parlementaire, membre du PTB (Parti du travail de Belgique) pour accumuler une importante documentation enrichie des réponses de divers ministres à ses questions parlementaires. Licencié en sciences politiques à l’ULB et fonctionnaire au ministère belge des Finances, il en connaît un bout sur les subtilités fiscales, les blanchiments, les évasions, les transactions de tout genre qui permettent aux plus riches de ne pas contribuer au bien être global de la population alors que les plus modestes sont eux taxés sans possibilité d’y échapper. Ces travailleurs sont, eux, les vrais producteurs de la richesse par leur travail, leur expertise, leurs collaborations pour réaliser les tâches qui leur sont confiées, rappelle Marco Van Hees.

C’est donc bien sous l’angle marxiste et donc celui de la justice sociale que l’auteur décortique les pouvoirs quasi féodaux des grands barons de l’industrie, des banques, de la colonisation… Il déploie un panorama du capitalisme belge qui a modelé notre histoire. Et c’est passionnant de se promener dans ces châteaux, grandes propriétés discrètes et luxueuses. C’est révélateur de comprendre les accords, arrangements, mariages entre riches. Et c’est effrayant de mesurer la compromission de certains responsables politiques et même du monde judiciaire avec ces ultra riches qui n’entendent pas réinvestir leurs richesses dans les entreprises qui permettraient pourtant un développement économique du pays. L’argent crée l’argent et l’Etat court après mais n’ose pas trop le taxer de peur de voir partir ces ultra riches vers des cieux plus cléments.

Car c’est bien tout le système capitaliste qui est ainsi décrypté au travers des Albert Frère, famille Boël, Goblet d’Alviella, Georges Forrest, de Spoelberch, Emsens, Mulliez, Lippens et bien entendu des diamantaires anversois…

Effrayant aussi de se rappeler comment le système bancaire a perdu sa vocation qui était d’aider les citoyens à gérer leur argent et à participer au développement économique du pays ; beaucoup de lecteurs se souviendront avec nostalgie de la défunte CGER (Caisse Générale d’Epargne et de Retraite), abandonnée et vendue par les pouvoirs publics alors que les services à la population étaient tellement précieux et qu’elle était rentable. Mais l’ultraconsumérisme mondialisé a triomphé et les banques sont devenues des instruments de pompage de l’argent de tous au bénéfices des grands financiers. La crise des subprimes aux États-Unis et ses conséquences désastreuses en Europe en ont été une très douloureuse démonstration !

Alors que je terminais ce livre, le nouveau gouvernement français annonçait piteusement qu’il ne pourrait pas appliquer une taxation supplémentaire des grosses fortunes en 2025 ni recevoir les recettes d’un impôt sur les bénéfices des plus grandes entreprises. Dix milliards d’euros resteront ainsi dans les poches des plus riches.

En Belgique, le parti très libéral pour les plus riches, le MR, ne veut même pas entendre parler d’une taxation sur les grosses fortunes. En France comme chez nous, les inégalités s’accroissent et la pauvreté augmente…

2025 sera une année chaude socialement.

 

Publication originale sur  Entre les Lignes


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